
Les Hautes Solitudes
Nolwenn Brod
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La série Les hautes solitudes, qui donne son titre à l’exposition de Nolwenn Brod, est issue d’une résidence de création proposée par le Musée de Bretagne.
Cette résidence s’est déroulée durant plusieurs mois à Brest, la ville natale de Nolwenn Brod, qu’elle a découvert à cette occasion. Nourrie à la fois de nombreuses références philosophiques, littéraires, artistiques ou scientifiques et de rencontres réalisées durant sa résidence, elle pose un regard minutieux sur ce territoire, son architecture et ses habitants pour nous proposer un portrait intime de la ville.
L’exposition propose également un film court inédit Qui chante les lèvres fermées, qui revisite le rituel funéraire Ouessantin des marins disparus en mer. Une série plus ancienne, Ar Gouren, et un film court, Lutte au crépuscule, mettent en scène de jeunes lutteurs, pris dans un engagement aussi mythologique que sensuel.
L’ensemble de ces images compose une série de regards singuliers sur la Bretagne, délicats et mystérieux, au plus près de l’intime, où la rencontre de l’autre est à chaque fois le commencement d’une histoire, et où la tradition révèle toute sa profondeur métaphysique.
Informations pratiques
Du 26 novembre 2022 au 26 novembre 2023 | Musée de Bretagne
Libre et gratuit
Un avant-goût de l'exposition

Keira, Plabennec, 2021

Adèle, Rue Blaveau, Brest, 2022

Surface, sous-marin nucléaire, Brest, 2022
Biographie
Nolwenn Brod est une artiste française née en 1987, basée à Paris. Elle est membre de l’Agence Vu et représentée par la galerie Vu à Paris depuis 2016. Elle développe ses projets le plus souvent dans le cadre de résidences de création en France et en Europe où elle mêle photographie et vidéo ; et en parallèle répond à des commandes pour la presse et les institutions. Ses œuvres sont régulièrement exposées en France et en Europe et font partie des collections de la BnF, du Cnap, du Musée Nicéphore Niépce, du Musée de Bretagne, de la Villa Noailles, de la collection Agnès b, de la Fondation Neuflize OBC, d’artothèques et de collections privées
Les hautes solitudes

Skorn, Rue de Turenne, Brest, 2022
"J’ai découvert Brest, ma ville natale, au fil de mes déambulations successives, à travers le temps vécu, historique, géologique et militaire. Brest est une ville à part, détachée du monde comme une presqu’île. Brest est blanche par éclaircies, un peu cubique et pleine de courants d’air.
Les hautes solitudes, c'est une pluralité de relations humaines, ce qui se crée entre moi et l'Autre. Ce sont des corps photographiques, des corps sociaux que je fragmente parfois, où l’esprit social s’exprime dans le corps individuel. Chaque rencontre me donne des prolongements inattendus. Les associations des divers éléments se dessinent dans l’accumulation, glissant d’un signe à l’autre selon des tonalités affectives. L’homme, l’animal, les souterrains de la guerre, les pierres jaunes et grises en surface, dialoguent ensemble."
"Je présente également deux films courts, l’un sur la lutte bretonne inspirée du passage biblique de l’Ange et de Jacob ; et le second sur un rite funéraire ouessantin la Proëlla. Il s'agit d'une adaptation très libre de l'ancienne coutume qui rendait hommage aux marins disparus en mer."
Nolwenn Brod
Ar gouren

Lutte au crépuscule, 2022
Le gouren est un style de lutte traditionnelle bretonne, hérité du Moyen Âge et transformé au 20e siècle en sport compétitif, avec une fédération, des règles uniformes, des catégories de poids et d’âge.
L’esprit ancestral à l'origine de la pratique est toujours revendiqué par ses pratiquants : il porte des valeurs fortes de sociabilité, une attention à l’histoire, un rapport au paysage et à la nature ainsi que des rituels comme le serment ou l’accord de loyauté.
De nombreux écrivains et artistes au 19e et 20e siècle ont laissé des descriptions des tournois de gouren magnifiant les lutteurs. On luttait pour l’honneur, le défi, le plaisir, le prestige de l’homme fort. Les prix aux vainqueurs pouvaient parfois être conséquents : parfois un simple mouchoir ou un chapeau, mais aussi un mouton, un taureau ou une somme d’argent.
Chez Nolwenn Brod, les lutteurs, jeunes et expérimentés, filles et garçons, se mettent à l’épreuve par la confrontation physique en une lente chorégraphie, dans des paysages crépusculaires et hors du temps. Avec cette série, Nolwenn Brod s'inscrit dans une longue tradition iconographique qui jalonne l’histoire de l’art, celles des lutteurs comme de la représentation de l’épisode biblique de Jacob et l’ange.
Qui chante les lèvres fermées

Qui chante les lèvres fermées, 2014
La proëlla, signifiant littéralement en breton « retour au pays » [bro-ella] est un rite traditionnel pratiqué uniquement sur l’île d’Ouessant jusqu’en 1962. Il permettait aux proches de faire leur deuil, mais aussi de rendre officielle la mort du perdu en mer en cas de naufrage sans repêchage du corps. La proëlla désigne à la fois la croix de cire qui symbolise le corps du disparu, et la cérémonie funèbre elle-même. Lors d’une veillée funèbre au domicile du défunt, on veillait la croix avant de la porter en procession à l’église le lendemain. Après l’office du défunt, la croix de proëlla était placée dans une urne de bois située derrière l’autel. Elle était ensuite portée au cimetière lors d’une cérémonie collective, à l’occasion d’une visite de l’évêque ou d’une mission.
Avec ce film court inédit Qui chante les lèvres fermées, Nolwenn Brod revisite ce rituel funéraire Ouessantin dans un film symbolique qui mêle la danse et le chant, et où différentes temporalités se superposent, tant dans le mouvement que la langue : danse traditionnelle bretonne et danse contemporaine, gwerz (complainte en langue bretonne) chantée/dite en breton et poèmes contemporains d'Erwann Rougé dits en français.

Aurore Bagarry,
Plage Bonaparte, Plouha.
Série Roches, 2016-2020,
courtesy galerie Sit Down
Aurore BAGARRY
Roches
[ La carte blanche ]
En complément de son exposition, Nolwenn Brod a été invitée à présenter le travail d’un ou d’une photographe de la région. Son choix s’est porté sur Aurore Bagarry et la série Roches.
La coursive
Jusqu'au 5 mars 2023
Dans cette série réalisée à la chambre photographique, Aurore Bagarry explore les rivages de la Manche du côté français (de Brest à Calais), et ceux du sud de l’Angleterre qui leur font face. Les paysages rocheux issus de la lente érosion du littoral y révèlent leur vaste palette de formes, de reliefs, de textures et de couleurs, faisant ressentir profondément le passage du temps et les forces invisibles de la terre.
Aurore Bagarry est une photographe et vidéaste française, née en 1982 au Mans. Diplômée en 2004 de l’école des Gobelins, Paris et en 2008 de l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles avec les félicitations, elle est représentée par la galerie Sit Down à Paris depuis 2015.
Par la logique de l’atlas photographique et la pratique de la marche, elle propose une lecture personnelle du paysage par un inventaire de formes, parfois fragiles bien que monumentales (Glaciers, 2012-2018) ou le fruit imperceptible d’une lente érosion
(Roches, 2016-2020).
> Son dernier ouvrage, issu de la série Roche, est disponible aux éditions du Centre d'art Gwinzegal.
Photos : Nolwenn Brod; Aurore Bagarry